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PFAS, un fléau environnemental

Le jeudi 30 mai 2024, le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi écologiste visant à interdire à partir de 2026 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de produits du quotidien contenant des substances per- et polyfluroalkylées, autrement appelés PFAS. Une avancée majeure pour la santé et la biodiversité tant ces polluants sont aujourd’hui omniprésents dans nos vies. Quelles sont ces molécules ? Où les trouve-t-on ? Et pourquoi vont-elles être bannies de nostre territoire ? Explications. 


 

Poelle anti-adhesive dotée d'un revetement contenant des PFAS



Per- et polyfluoroalkylées : késako ?

 

Les cinéphiles se souviennent certainement du film Dark Waters réalisé par Todd Haynes en 2019 - récompensé par le César du meilleur film étranger en 2021 - qui relate l’histoire vraie de la pollution d’une bourgade de Virginie-Occidentale par l’acide perfluorooctanoïque (PFOA) utilisé dans la fabrication des produits en Téflon de la marque Dupont. Si le nom de l’acide ne parle probablement pas de prime abord, en revanche celui du produit dit forcément quelque chose puisqu’il s’agit du revêtement de la plupart des poêles anti-adhésives qui sont utilisées dans les cuisines. Ce petit miracle de la science qui permet aux aliments de cuire sans accrocher est rendu possible grâce à la création par l’homme depuis les années 1940 de molécules chimiques connues sous le nom de PFAS pour per- and polyfluoroalkyl substances (en anglais) et substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées en français. A l’état moléculaire, ces composés organofluorés sont constitués d’une chaîne plus ou moins longue d’atomes de carbone reliés entre eux se terminant par des atomes de fluor. Cette structure particulière confère à ces substances des propriétés anti-adhésives, anti-feu, lisophobes (anti-gras) et imperméabilisantes bien pratiques dans notre vie quotidienne, si bien qu’on en trouve un peu partout autour de nous.


molecule PFAS


Dans les ustensiles de cuisine, les emballages alimentaires en papier et en cartons, les vêtements de pluie, les moquettes, les tissus d’ameublement anti-tâche, les lubrifiants et les cires pour sols et voitures, mais aussi dans les isolants pour fils électriques, dans certains médicaments et insecticides ainsi que dans les cosmétiques résistants à l’eau. On en retrouve même dans les produits de fart (dont on enduit la semelle des skis pour les rendre glissants) et dans les mousses anti-incendies d’hydrocarbures utilisées par les pompiers dans les aéroports, les bases militaires et sur les autoroutes. Difficile de passer à côté, d’autant qu’il existe des milliers de combinaisons de molécules possible (entre 5 000 et 10 000 selon les sources) dont certaines ont été mises au point spécialement pour contourner la législation. A titre d’exemple, les polluants organiques persistants PFOS et PFOA (ceux du film Dark Waters) ont été bannis par la Convention de Stockholm en juillet 2020 mais rapidement remplacés par des composés aux propriétés équivalentes, mais à la structure suffisamment différente pour qu’ils échappent à la réglementation.

 

 

Ces polluants sont éternels

 

Avec ces propriétés prodigieuses, ces substances supportent des chaleurs intenses, l’acidité, la lumière et la dégradation microbienne, rendant leur destruction dans l’environnement ainsi que dans le corps humain extrêmement longue, de plusieurs années pour certains à plusieurs siècles pour d’autres, voire des millénaires pour les plus stables. Leur surnom glaçant de « polluants éternels » est donc tout trouvé puisqu’ils persistent et s’accumulent dans les organismes, agissant comme perturbateurs endocriniens provoquant obésité, augmentation du taux de cholestérol, diabète, cancers (testicule, prostate, rein, foie, sein), troubles de la croissance ou encore des défaillances du système immunitaire et de la fertilité, avec un risque marqué pour les femmes enceintes et leurs fœtus. Le risque pour l’humanité et la biodiversité, avéré et encore sous-estimé, est d’autant plus élevé que l’exposition est très répandue avec une contamination des sols, de l’eau (potable, courante, usée), de l’air.

 

Effet des PFAS sur la santé humaine


Si l’exposition des ouvriers des usines fabriquant des produits à base de PFAS paraît évidente - comme les unités de production de Pierre-Bénite au sud de Lyon ou de Rumilly en Haute-Savoie - celle des populations aux abords de ces sites l’est un peu moins. C’est pourtant le cas, en raison de la contamination de leur eau potable et de leur alimentation, les fruits et légumes étant contaminés par les sols, l’arrosage et les pesticides, tout comme les œufs, les poissons, et la viande dont les animaux stockent les substances, dans leurs graisses notamment. Tous les maillons de la chaîne alimentaire sont impactés par biomagnification : les molécules de PFAS dans l’air se retrouvent dans l’eau de pluie, qui à son tour contamine les sols, les rivières et les mers. Les sols pollués touchent les insectes, eux-mêmes mangés par d’autres animaux, l’eau infiltre les nappes phréatiques et ruisselle jusqu’à la mer pour atteindre les crustacés... La sénatrice écologiste Anne Souyris va jusqu’à affirmer que « nous sommes tous contaminés ! » par ces polluants qui gravitent autour de nous depuis 80 ans. Il était temps de faire quelque chose, et un pas a été franchi par l’adoption à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi visant à interdire de multiples usages de ces PFAS.

 

Cycle des PFAS

 


Que prévoit la loi ?

 

La proposition de loi présentée le 4 avril à l’Assemblée nationale par les écologistes prévoyait une interdiction générale et sans mesure transitoire des PFAS sur le territoire français. Le texte adopté par le Sénat le 30 mai est moins ambitieux puisque l’interdiction se fera finalement en deux temps : à partir du 1er janvier 2026 pour les emballages alimentaires, les cosmétiques, les produits de fartage et les textiles, puis à partir du 1er janvier 2030 pour l’ensemble des autres usages.


Les textiles revêtant des usages professionnels comme les tenues ignifugées des pompiers (qui conservent également leurs mousses anti-incendie) ou celles des militaires et des industriels échappent à l’interdiction pour permettre de poursuivre leur utilisation et la protection contre le feu de leurs porteurs. En revanche, difficile de justifier le maintien d’une dérogation pour les ustensiles de cuisine sans parler du lobbying des industriels. Le risque sur l’emploi qu’ont mis en évidence les fabricants de poêles a lourdement pesé dans la décision de la majorité présidentielle de supprimer purement et simplement le paragraphe qui y faisait mention. Les produits présentant des taux de concentration « résiduels » passent également dans les mailles du filet de part leur contamination jugée négligeable mais tout de même bien réelle.

 

Le plan d’action fait aussi figurer l’obligation de contrôle de la présence d’une vingtaine de PFAS dans les analyses des eaux destinées à la consommation humaine ainsi que l’application du principe pollueur-payeur. Les PFAS seront ajoutés à la liste des substances assujetties à la redevance pour la pollution de l’eau que les industriels doivent payer. Une taxe dont le montant aidera les collectivités à financer l’onéreuse dépollution des eaux mais pas à la prendre totalement en charge. Une carte numérique des sites émettant ou ayant pu émettre des polluants éternels va également être créée pour prévenir la population des zones à risque. Toutes ces mesures, dont certaines se feront par l’application de décrets (notamment la liste des molécules interdites et les seuils de tolérance des concentrations), ne concernent que le territoire national alors que des nombreux sénateurs mettent en avant la nécessité d’un cadre européen pour restreindre les polluants éternels au niveau communautaire.

 

Prelevement d'eau


Une démarche d’ores et déjà entreprise par l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Suède et la Norvège en février 2023 lors du dépôt en commun d’un projet d’interdiction de l’ensemble des PFAS au niveau européen. L’Union Européenne pourrait alors interdire les PFAS par l’intermédiaire de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) via la réglementation Reach- acronyme anglais pour « Enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques ». Problème : les pesticides échapperont à cette interdiction puisqu’ils relèvent de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Sachant qu’actuellement 37 pesticides autorisés en Europe contiennent des PFAS (dont 30 utilisés en France) dont les plus utilisés (le flufenacet et le diflufenican) sont toxiques pour l’environnement, il est stupéfiant que la proposition de loi contourne la problématique de la contamination alimentaire alors que ses effets délétères sur la santé sont évidents. Une déception de plus (surtout au regard de la philosophie initiale du texte) pour une loi aisément contournable par les industriels et qui ne prend que peu en compte les répercussions de ces polluants sur la nature. Une première victoire, certes, mais la guerre contre les PFAS est encore loin d’être gagnée.

 

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