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Quoi ma gueule ? Manifeste des mal-aimés du jardin

Dernière mise à jour : 13 avr. 2023

Faites-vous partie de ces gens encore capables de s’émerveiller devant le bruissement coloré d’une aile de papillon ? L’élégance longiligne d’une libellule ? Les rondeurs rassurantes d’une coccinelle ? Qu’en est-il des araignées ? Des larves de cétoine ? Des limaces… ou encore des rats ?

 

Voltaire disait « La beauté n’est qu’un piège tendu par la nature à la raison ». L’être humain a naturellement tendance à accorder son affection aux animaux jugés « beaux » ou « mignons », ou faisant partie de notre quotidien (prenons pour exemple les vidéos de chatons faisant des millions de vues sur Internet). Il prive en même temps et sans vergogne de ce droit à l’Amour, les « autres » : ces insectes et animaux aux physiques qui seraient moins aimables ou servant les besoins de notre alimentation. C’est ce qu’on appelle le spécisme, soit pour faire simple : une inégalité de chances justifiée par un délit de faciès. Qu’à cela ne tienne, nous prenons le pari aujourd’hui de vous faire porter un autre regard sur certains mal-aimés du jardin.


Au-delà de la subjective notion de beauté, c’est à votre raison que nous allons nous adresser dans ces prochaines lignes. Cet article vous est proposé en deux parties, avec un premier et vibrant hommage aux insectes et animaux dits « décomposeurs » de nos jardins.



Larves de cétoines vs larves de hannetons : hanches girondes contre épaules de nageurs


Toutes les personnes pratiquant le compostage en jardin et / ou disposant d’un petit ou grand potager ont certainement déjà croisé ces deux types de larves. Et si la larve de cétoine ne séduit pas par son physique généreux, elle est généralement laissée indemne, contrairement à celle du hanneton qui est presque systématiquement exterminée. Et pourtant, contrairement aux idées reçues, les deux sont précieuses pour le jardin !


La cétoine fait partie de la faune extrêmement utile dans le compost : elle ne se nourrit que de déchets, les décompose en plus petits débris et contribue donc à leur transformation en « or noir », le compost. Elle conserve pendant 3 ans ce stade larvaire avant de se transformer en magnifique insecte, conservant sa ressemblance avec le hanneton. La cétoine dorée, la plus commune dans nos jardins, se revêt d’une magnifique robe verte aux reflets or.


La nourriture des cétoines dorées adultes se compose principalement de fleurs, et particulièrement les roses ce qui lui vaut le surnom de "hanneton des roses". Elle prend également plaisir à la dégustation de fruits abîmés et d’autres fleurs : mais tout ceci en quantité tellement infime qu’elle ne cause aucun ravage ! Elle est en revanche une pollinisatrice plutôt efficace et sert aussi de nourriture aux oiseaux et autres petits mammifères (nous lui souhaitons néanmoins une fin moins tragique).


La larve de hanneton se trouve elle à plusieurs dizaines de centimètres de la surface du sol, et peut mesurer selon l’espèce de 1 cm à… 8 cm ! Si la cétoine se nourrit de déchets, le hanneton a eu la mauvaise idée de choisir un régime alimentaire qui nous hérisse les mandibules, nous autres jardiniers : elle se délecte des racines de nos chères plantes et légumes… Oui mais ! Présents de façon endémique au 19ème siècle, où l’espèce provoquait effectivement des ravages importants sur les cultures, elle a été détruite de façon massive. Un mot avait même été inventé pour cela : le hannetonnage, qui faisait d’ailleurs l’objet de récompenses !


Conséquence de ces décennies de chasse, l’espèce a été véritablement exterminée jusqu’à frôler la disparition dans nos contrées. En plein contexte d’extinction de la biodiversité, il est temps de réhabiliter le hanneton ! S’il repointe petit à petit le bout de ses antennes, sa présence dans nos jardins reste encore trop anecdotique Il est important tout d’abord de rappeler que dans tout écosystème, un équilibre est à trouver. Si une propagation massive de larves de hanneton peut ravager les cultures agricoles et causer de terribles dommages dans les massifs forestiers, elles ne se nourrissent individuellement que d’une quantité infime de racines, et il est évident que nous en avons tous dans nos potagers sans nous en douter. Par ailleurs, les larves constituent une nourriture de choix pour les taupes, les poules, mais également les hérissons, les oiseaux ou les chauves-souris, des espèces qui subissent un déclin massif de leur population du fait d’une urbanisation massive. Enfin à l’état adulte, le hanneton est totalement inoffensif : il ne se nourrit que de feuilles, et avouons-le, il n’est pas très vif ! Ses prédateurs restent les mêmes et disposent donc d’une double chance de mettre le couvert avec lui. En cas de population vraiment trop importante de hannetons dans votre jardin, pas besoin de vous transformer en chasseur sanguinaire, des répulsifs naturels existent : marc de café, géranium ou encore champignons Beauveriabrong sont très efficaces !



Les vers à compost : gluants mais efficients


Longilignes et un peu gluants, deux grandes familles de lombriciens ondulent de l’anneau dans nos jardins : les laboureurs (grands et gros) comme le lombric (Lombricusterristris, mieux connus sous le nom de « ver de terre ») et les digesteurs et décomposeurs comme le ver de compost (Eiseniafoetida ou Eisenia Andrei). S’ils ont en commun un rôle essentiel dans la fertilité des sols, ils ne sont définitivement pas de la même famille.


Les lombrics ou vers de terre, mesurent en général 30 cm (mais leur taille peut atteindre 1 mètre !). Ils peuvent vivre jusqu’à 7 ans et ne produisent que quelques rejetons par an. Ils évoluent en profondeur dans le sol (jusqu’à 3 m selon le type de sol) et creusent des galeries verticales qui permettent une aération de la terre. En déposant leurs déjections, très riches en nutriments, à la surface, ils ont également un petit rôle de fertilisation. Ils sont donc absolument essentiels pour disposer d’un sol vivant et léger : on vous remercie donc d’indiquer à vos poules et vos enfants que non, ce ne sont définitivement ni des aliments ni des jouets.


Les vers à compost sont beaucoup plus petits, de 5 à 10 cm, très fins, ils vivent moins longtemps que les lombrics (de 2 à 3 ans en moyenne). Ils ont en revanche une grande capacité de prolifération, et agrandissent tous les ans la famille de plusieurs centaines d’individus. Contrairement aux vers de terre, les Eisenia vivent à la surface du sol mais également dans les tas de compost (voire dans les lombricomposteurs). Ils se nourrissent des matières organiques et carboniques et sont donc de redoutables décomposeurs du jardin : après digestion, ils rejettent d’importants éléments nutritifs via des galeries horizontales accessibles à d’autres organismes vivants du sol, comme les végétaux.



Le cloporte : un cœur tendre sous une grosse carapace


Enfin, nous ne pouvions finir cet article, sans un sincère hommage au seul crustacé évoluant sur la terre ferme : le cloporte !


De petite taille (0,5 à 2 cm maximum), le cloporte souffre encore d’un délit de sale gueule persistant, la brillance de sa carapace pouvant rappeler de lointaines cousinades avec la famille des blattes ou des cafards. Que nenni ! Il est biologiquement bien plus proche des homards, crevettes ou des crabes que des insectes. Petit mais grand par sa hardiesse, les scientifiques estiment qu’il a quitté son milieu marin originel il y a fort longtemps, pour venir donner un coup de mandibule dans nos jardins (entre autres).


Ils n'ont pas de véritable carapace, contrairement à beaucoup de crustacés : leur corps est protégé par un exosquelette formé de plaques. Sur le thorax se trouvent également sept paires de pattes appelées « péréiopodes » et ils possèdent deux paires d’antennes. En cas de danger, le cloporte a la capacité de se mettre en boule (c’est la volvation) pour se protéger : sincèrement n’est-il pas mignon ? Coquet, il change sa robe d’apparat tous les mois, laissant sa mue préhistorique comme vestige de son passage.



Ouvrier fort efficace, le cloporte est un détritiphage : il se nourrit de « déchets » en particulier de matière végétale en décomposition tels les feuilles, le bois mort, ou bien les champignons, mais il est également très précieux dans nos composts ! Leur tube digestif héberge une microflore abondante qui dégrade la cellulose des parois végétales, permettant ensuite à la microfaune de prendre le relai de la dégradation. Les cloportes sont donc un des premiers maillons de la fertilité et du renouvellement des sols, et ils participent également à la fabrication d’humus à partir de la matière organique. De son passé dans les fonds marins, il garde une forte affection pour les endroits humides à l’abri de la lumière, vous aurez donc certainement l’occasion de le croiser au détour d’un tas de feuilles mortes : nous comptons sur vous pour le laisser œuvrer en paix !


Nous espérons que cette première partie du « Manifeste des mal-aimés du jardin » vous aura fait changer un peu votre regard sur ces espèces encore trop souvent injustement décimées. Nous vous retrouvons très rapidement pour une seconde partie : perce-oreilles, moustiques, ou encore araignées pourraient alors se dévoiler sous un nouveau jour : celui de la réconciliation (ou au moins de la froide indifférence).



Pour aller plus loin :

  • Tous ces insectes vous dégoûtent encore un tout petit peu ? Pourquoi ne pas leur donner un prénom ! Un peu d’anthropomorphisme n’a jamais fait de mal à personne, et qui aurait envie de tuer une araignée portant le doux prénom de Tata Jacqueline ?

  • Si la notion de spécisme / antispécisme vous intéresse, nous vous conseillons de lire le livre Antispéciste d’Aymeric Caron.

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