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Les biodéchets, ces trésors organiques

Après le verre, le carton ou encore le plastique, c’est au tour des biodéchets de rentrer, ou plutôt de revenir, sur la grande scène du tri. Portée par un contexte règlementaire en forte accélération, leur collecte sera généralisée à tous, ménages comme producteurs privés et publics, dès le 1er janvier 2024. Mais qui sont-ils ? Quels gestes pouvons-nous déjà tous mettre en place pour éviter qu’ils ne finissent en incinération ou en enfouissement ? Nous vous proposons dans les prochaines minutes, d’ouvrir le couvercle de votre poubelle, pour aller à la rencontre de ces trésors organiques, qu’il est grand temps de rendre à nos sols.


 


Commençons par un peu d’histoire…


Contrairement aux idées reçues, le recyclage n’est pas récent en France et date même… du XVème siècle ! A l’époque, les ordures ménagères étaient jetées par les fenêtres et les rues croulaient sous les déchets, attirant rats, mouches et contribuant au développement de maladies. Pour y faire face, François 1er rendit obligatoire la présence d’un trou dans chaque habitation pour enterrer ses déchets, puis, devant la limite de ce dispositif, déploya l’usage de paniers pour évacuer les déchets ménagers vers les décharges en périphérie des villes. Durant cette collecte, les déchets organiques étaient isolés pour pouvoir les utiliser… en engrais organiques dans les champs !


Les rues au Moyen-Age, jonchées de déchets. Source :« Le Combat de Carnaval et Carême » par Pieter Brueghel l’Ancien en 1559

Au XIXe siècle, c’est Pasteur qui mit en évidence le lien entre la décomposition des déchets dans les villes et la prolifération des bactéries. S’ensuivirent alors une série de mesures préventives : interdiction de déposer les déchets dans l’espace public dès 1870, puis création de la poubelle en 1883 par l’Eugène du même nom (Poubelle, donc). Et force est de constater que l’ancêtre de notre poubelle moderne était...bien plus évolué ! Elle permettait, en effet, de séparer les matières putrescibles, le verre, les papiers et chiffons, et les faïences. Cette tendance vertueuse a malheureusement été mise de côté pendant la guerre, où seuls les déchets métalliques et de construction étaient recherchés, pour créer des armes ou reconstruire les villes.


Ce n’est qu’en 1992, avec la Loi Royal, que la France prit conscience qu’en dehors de l’impact environnemental qu’ils pouvaient engendrer (pollution des océans notamment), les déchets représentaient également de véritables ressources énergétiques et pouvaient devenir des matières premières pour certaines industries. Le recyclage du carton, du verre ou encore du plastique s’est alors développé de plus en plus vite : aujourd’hui le taux de tri des ménages est satisfaisant et continue sa progression, malgré une valorisation aval encore largement incomplète (pour en savoir plus, n’hésitez pas à revoir notre webinaire « Recyclage, mythes et réalités », sur notre chaîne Youtube).


Reste néanmoins un grand absent de ces collectes : les biodéchets ! Près de 150 ans plus tard, ils reviennent enfin sur le devant de la scène, à grands renforts d’imminentes et contraignantes règlementations.



Biodéchets : déchets bio ? déchets biologiques ? Petite définition…


Les biodéchets appartiennent à la catégorie des déchets organiques et putrescibles (= qui se décomposent). Le Code de l’Environnement définit le biodéchet comme « tout déchet non dangereux biodégradable de jardin ou de parc, alimentaire ou de cuisine issu notamment des ménages, des restaurants, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que tout déchet comparable provenant des établissements de production ou de transformation de denrées alimentaires ». Soit de façon plus simple :

  • Les déchets de cuisine et alimentaires des ménages, de la restauration collective et commerciale, de la grande distribution, des industries agroalimentaires et des marchés

  • Les déchets verts de jardin (ménages ou parcs, jardins des collectivités)

  • Les textiles sanitaires (objets et accessoires qui servent à l’hygiène intime, du corps et de la maison : essuie-tout, couches jetables, serviettes hygiéniques…), papiers et cartons des ménages (les papiers et cartons d’activité économique ne sont pas considérés comme des biodéchets)

Les biodéchets excluent, de fait, les huiles et graisses usagées, les déchets d’abattoir, les résidus et effluents agricoles ou encore les boues de station d’épuration.

Selon l’ADEME, ils représenteraient près d’1/3 de notre poubelle « grise » d’ordures ménagères, soit, en moyenne, 83 kg par an et par habitant :


Source : infographie de l'ADEME "Que contient notre poubelle ?", 2019

Ils sont actuellement en grande majorité enfouis en décharge (ce qui produit un « jus » appelé « lixiviat » chargé en particules toxiques à retraiter, et génère des dégagements de méthane encore trop peu capté) ou incinérés avec le reste des ordures ménagères non triées (et brûler des déchets composés à 80 % d’eau… ce n’est pas d’une grande efficacité !). Néanmoins, de plus en plus de foyers mettent en place des solutions de compostage individuel dans leur jardin, leur balcon… ou même leur cuisine (cf. partie « Alors que peut-on faire »). A l’instar du papier, du verre et du carton, ce tri et cette valorisation dite « vertueuse » vont être étendus à tous, particuliers comme entreprises, dès le 1er janvier 2024 : faisons un petit point sur la réglementation.



Le Tri à la Source & la Tarification Incitative


En 2012, le Grenelle de l’Environnement a rendu obligatoire le Tri à la Source des Biodéchets pour les Gros Producteurs privés avec des seuils d’application dégressifs (cf. ci-dessous) : la Loi « Anti Gaspillage pour une Economie Circulaire » (AGEC) de février 2020 a accéléré la baisse des seuils réglementaires pour la collecte séparée des biodéchets. Dès le 1er janvier 2023, les producteurs de plus de 5 tonnes par an seront concernés par le Tri à la Source, et c’est tous les producteurs, privés, publics et ménages qui seront concernés dès le 1er janvier 2024, c’est-à-dire vous et nous !


Evolution des seuils réglementaires pour l’application du Tri à la Source des biodéchets (Source : Loi AGEC)

Concrètement, comment cela va se décliner ? Les collectivités seront obligées de mettre à disposition de tous les foyers une solution de tri des biodéchets de type « bioseau » (de petits contenants ajourés ou non dans lesquels les ménages mettront leurs biodéchets), des poubelles dédiées (marron) voire des Points d’Apport Volontaire (PAV) (comme on peut en connaitre pour le verre, le plastique ou le carton). De nombreuses collectivités financent déjà ou financeront tout ou partie de l’achat de composteurs ou lombricomposteurs individuels pour les particuliers : n’hésitez pas à vous rapprocher de votre mairie ou communauté de communes pour en savoir plus.


Source : exemple de collecte des Biodéchets - SICTOM Val de Saône

L’appropriation de ce nouveau geste de tri sera essentielle pour le budget des ménages, car en parallèle du Tri à la Source, une nouvelle règlementation est en train de se déployer : c’est la Tarification Incitative. Elle devrait concerner 25 millions de Français d’ici à 2025 et son principe est simple : plus votre poubelle d’ordures ménagères sera lourde ou nécessitera des levées, plus votre facture de gestion des déchets sera élevée ! Dès lors, en sortir tout ce qui est recyclable et/ou valorisable, comme les biodéchets, va devenir incontournable.



Alors que peut-on faire ?


L’ADEME estime que sur les 83 kg de biodéchets produits par an et par habitant, seulement 46 kg en moyenne seront triés et valorisés. Les solutions de collecte et tri des biodéchets qui seront déployées dans les villes seront adaptées au type de territoire concerné : dans les villes moyennes et les grandes métropoles, disposant de peu de quartiers résidentiels (avec jardin) ou de foncier urbain, le transport des biodéchets vers des plateformes de compostage industriel ou des unités de méthanisation sera privilégié (car permettant de traiter de grands tonnages et de faire des économies de masse).


Pour les villes disposant de quartiers arborés et moins denses, et de quartiers résidentiels avec jardin, le compostage de proximité (domestique ou partagé) est déjà en plein développement et ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin. Il présente le double intérêt d’extérioriser de son domicile la gestion de ses biodéchets, de limiter les investissements et les coûts pour les collectivités et de créer du lien social entre les habitants d’un même quartier.


Mais que vous viviez en appartement ou en maison, il existe des solutions de traitement de vos biodéchets domestiques adaptées à toutes les situations, en voici un rapide aperçu :

  • Le composteur « classique » : particulièrement adapté aux jardins, il permet la décomposition de la matière organique par des microorganismes (bactéries…) et des macroorganismes (vers, insectes, champignons…) en 12 à 18 mois (pour obtenir un compost dit « mûr »).

  • Le lombricomposteur : idéal pour les appartements, ses vers décomposeront vos biodéchets en 3 à 6 mois seulement, en produisant à la fois un compost très riche en nutriments et matière organique, ainsi que du « lombrithé » un fertilisant naturel pour vos plantes, comparable à un jus de légumes.

  • Le Bokashi : le nouveau venu dans nos contrées mais déjà plébiscité dans les pays nordiques et chez nos voisins belges ! Cette méthode de « compostage » japonaise se base sur la fermentation de la matière organique par des micro-organismes. Il permet d’obtenir des déchets « prédigérés » (qui peuvent être enfouis dans le jardin pour accélérer les cultures, ou être ajoutés dans une « Fabrique à terreau ») et du jus de Bokashi, un fertilisant puissant pour les plantes / cultures (à diluer à 1:100)… ou pour déboucher les canalisations !

Etats Sauvages a animé sur cette thématique un webinaire où les avantages et inconvénients de chaque solution sont décrits.


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