top of page

ACTUALITE

Pour suivre notre actualité et retrouver nos projets.

Photo du rédacteurEtats Sauvages

La question du loup

Pour garantir un espace forestier durable, il faut assurer l’équilibre entre la forêt et la faune sauvage qui y vit. La survie du loup qui s’établit souvent au plus profond des bois pose question. Il a eu en France une si mauvaise réputation, véhiculée jadis par de multiples légendes, qu’il en a été exterminé. Depuis le rôle du loup dans la régénération forestière a été démontré. Après des années de disparition, il a été réintroduit en France où sa présence - malheureusement toujours controversée - est attestée depuis 1992.


 

Meute de loups

Le loup, un habitant spécifique des forêts


Le loup (Canis lupus) occupe une grande partie de l’hémisphère nord. Il est présent dans les prairies, les steppes et la toundra, mais surtout dans les forêts car il y trouve une abondance de proies. Ce sont des prédateurs qui chassent le gros gibier, comme le cerf, le chevreuil et le sanglier présents dans les forêts. Sur le territoire des loups, les proies sont constamment sur le qui-vive et s’enfuient rapidement. Alors il arrive, parfois, que le loup s’attaque au bétail. L’expansion agricole a réduit les habitats naturels et a entraîné une diminution des populations de proies. Avec l'intensification de l’activité humaine, le risque de conflit entre loups et humains augmente, en raison justement de la prédation sur le bétail.


Si la forêt offre un refuge au loup, la condition à sa survie est d’avoir un territoire d’une taille suffisante pour lui fournir assez de nourriture. Parallèlement leur nombre augmente à mesure que s'étend la superficie forestière.


Les loups vivent en groupes familiaux. Leur espérance de vie est de 10 ans (et peut aller jusqu’à 20 ans). Ils appartiennent à la même espèce que le chien domestique et certaines races de chiens leur ressemblent. Il se reconnaissent grâce à ces caractéristiques : ils mesurent entre 1 m et 1,5 m de long et entre 65 et 80 cm de haut ; leur queue touffue de 30 à 50 cm pointe vers l’arrière et leur pelage est gris ; un masque blanc entoure leur museau et leur gorge; leurs oreilles sont droites et leur truffe noire. Le loup possède des yeux obliques avec des pupilles rondes, souvent jaune fauve mais parfois vertes ou marron foncé, qui sont bleues à la naissance. Leurs yeux sont adaptés à une vision nocturne grâce à une grande proportion de bâtonnets et à la présence d'un tapetum lucidum derrière la rétine, qui réfléchit la lumière faible. Cette adaptation leur permet de voir efficacement au crépuscule et à l'aube. De plus, une bande visuelle sur l'horizon de leur rétine, riche en photorécepteurs, leur offre une acuité visuelle élevée, leur permettant de surveiller simultanément plusieurs objets lors de la chasse, y compris leurs partenaires et leurs proies. Leur regard mystérieux, intense et perçant explique peut-être certaines légendes à leur sujet.




La représentation négative du loup


L’histoire a véhiculé l’image du loup sanguinaire qui dévore les enfants. Et les récits rapportent la terreur que suscite cet animal. La maxime la plus célèbre qui suggère déjà le caractère cruel du loup apparait chez Plaute au IIIeme siècle avant JC : " l’homme est un loup pour l’homme " (Homo homini lupus est).


Si La légende de Rome repose sur une vision positive et constructive de l’animal - une louve nourrit Romulus et Remus à l’endroit même où se fonde la ville - une série de mythes, d’images et de symboles commencent à circuler autour du loup tandis que les fables et les contes le ridiculisent. Dans le bestiaire central du moyen-âge dont font aussi partie l’ours, le sanglier, le cerf, le renard, le corbeau, l’aigle, le singe et quelques animaux exotiques tels que le lion ou l’éléphant, le loup occupe une place de choix. Il apparaît malfaisant à l’image du diable et plus cruel et vicieux que l’ours dont l’image est moins connotée.


L’iconographie des XVIIe et XVIIIe siècles fait du loup un symbole de la force violente, de la brutalité, de la férocité. Le loup est présenté brutal et pervers, spécialement attiré par le sexe féminin. Pour se rendre au sabbat, les sorcières le chevauchent. Pour la littérature, c'est aussi un animal férocement affamé. Les loups-garous, hommes ou femmes, se changeant en loups pendant la nuit - spécifiquement de pleine lune - retrouvent leur nature humaine au petit matin.


Le poète Jean de La Fontaine contribue à répandre dans ses portraits d’animaux, cette image du loup cruel et sanguinaire à côté du renard rusé, de l’ours gourmand, de l’âne sot, et du singe malin. L’animal dévore aussi bien les animaux domestiques que les bergers et les enfants perdus dans les bois contribuant à alimenter cet imaginaire collectif et ces peurs ancestrales.


Là-dessus, au fond des forêts

Le loup l'emporte et puis le mange,

Sans autre forme de procès.

- Jean de La Fontaine Fable Le loup et l’agneau, 1668 -



A la chasse au loup...


Les grands défrichements de l’époque féodale ont rapproché les loups des villages. Ils s’aventurent alors près des fermes. Les attaques de loups sur le bétail sont souvent motivées par la nécessité de se nourrir lorsque les proies sauvages sont rares ou que l'habitat naturel est perturbé. Les loups sont des prédateurs opportunistes et peuvent s'attaquer au bétail domestique comme les moutons, les chèvres ou les bovins lorsque ces animaux sont disponibles et accessibles. Encore aujourd'hui cette prédation peut entraîner des pertes économiques significatives pour les éleveurs et provoque souvent des tensions entre les communautés locales et les efforts de conservation des loups.


En 1789, Pierre Flandrin, vétérinaire, pose la question : comment se débarrasser des loups ? Un éleveur français écrit en 1791 : " il n’est pas possible de laisser divaguer les troupeaux pendant la nuit à cause des loups ; [Il faut construire] un parc avec hangars. Le troupeau enfermé est garanti du loup ”.


Autrefois largement répandu sur le territoire français, le loup a été l'objet d'une chasse intensive et systématique à partir du Moyen Âge. Plusieurs raisons l'explique, notamment la perception du loup comme une menace pour le bétail et les populations rurales, ainsi que pour sa réputation de prédateur redoutable. Les bergers défendent leurs troupeaux, les chassent et les tuent massivement avec des fusils. L’imposant prédateur se retire alors dans les régions peu peuplées d’Europe orientale et méridionale.


Au cours des siècles, les efforts de contrôle et de destruction du loup ont été soutenus par des politiques publiques visant à protéger les intérêts agricoles et à sécuriser les habitants des régions rurales. Cette chasse intensive, associée à la destruction de son habitat naturel (déforestation et urbanisation), a conduit à une diminution dramatique des populations de loups en France jusqu'à leur quasi-disparition à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.


En 1937, le loup a été déclaré espèce protégée en France, mais il a continué à se raréfier jusqu'à disparaître presque complètement du territoire français dans les années 1950.




Le retour du loup


Absent sur le sol français pendant plus d’un siècle, le loup a, depuis les années 1990, recolonisé nos forêts d’altitude et nos alpages. Classé comme « vulnérable », ce prédateur est désormais protégé par les législations françaises et européennes car sa réapparition favoriserait une régulation des espèces. Leur disparition a mis en lumière leur rôle essentiel pour les écosystèmes. L’un des principaux aspects du rôle bénéfique des loups pour les milieux naturels est leur capacité à contrôler les populations de grands herbivores tels que cerfs, élans ou bisons. Plus près de nous ce sont les chevreuils, sangliers ou chamois qui sont directement ciblés. N’étant plus prédatés par les loups, ces espèces se sont alors multipliées, s'alimentant des jeunes pousses d’arbres, et mettant en danger la régénération forestière.


Des initiatives de conservation et de réintroduction ont été entreprises dans les Alpes françaises pour restaurer la présence du loup. Ces efforts ont été guidés par la reconnaissance croissante de l'importance du loup dans les écosystèmes et du besoin de préserver la biodiversité. Aujourd'hui, la gestion du loup en France continue d'être un défi complexe, mêlant conservation de la faune sauvage, protection des troupeaux et dialogue entre les différentes parties prenantes concernées.


Le loup, figure emblématique de la biodiversité française, est au cœur d'un débat passionné depuis son retour naturel dans les forêts. Jadis pourchassé pour protéger les troupeaux et les intérêts agricoles, sa chasse est aujourd'hui strictement régulée sous des conditions spécifiques, en reconnaissance de son rôle crucial dans l'équilibre des écosystèmes forestiers.


Ce retour de l'espèce en France a ravivé un débat complexe entre les défenseurs de la nature et les acteurs ruraux. Jadis pourchassé intensivement, le loup est aujourd'hui reconnu pour son rôle crucial dans l'équilibre des écosystèmes forestiers. Sa réintroduction, principalement observée dans les Alpes et le Jura, a été marquée par une augmentation significative de sa population et l'extension de son territoire, couvrant désormais un tiers du pays.


Malgré son penchant pour les ongulés sauvages comme les chevreuils, les chamois et les mouflons, le loup demeure source de préoccupation pour les éleveurs, confrontés aux attaques croissantes sur leur bétail. Cette cohabitation conflictuelle est exacerbée par les difficultés économiques et techniques déjà présentes dans les zones montagneuses. En réponse, les éleveurs ont dû réévaluer leurs méthodes d'élevage, adoptant des mesures préventives telles que l'usage de chiens de protection, la mise en place de parcs de regroupement, l'utilisation d'effaroucheurs et le renforcement de la présence humaine.


La viabilité à long terme de la population de loups en France reste un défi, malgré les bénéfices écologiques potentiels de leur présence. Cette situation met en lumière la nécessité d'équilibrer la conservation de la biodiversité avec les préoccupations légitimes des communautés locales.


Loup solitaire


Quelles réponses aux conflits ?


En réponse aux conflits persistants entre défenseurs du loup et éleveurs, plusieurs approches ont été développées pour favoriser une coexistence plus pacifique et durable. Tout d'abord, des mesures préventives sont mises en place, telles que l'utilisation de chiens de protection spécialement formés, la construction de clôtures robustes et la création de parcs de regroupement nocturne pour le bétail. Ces initiatives visent à réduire les risques d'attaques de loups tout en permettant aux éleveurs de protéger leurs troupeaux de manière efficace.


Parallèlement, des systèmes d'indemnisation ont été instaurés pour compenser les pertes subies par les éleveurs qui pourraient être liées à des attaques de loups. Cette mesure vise à atténuer les impacts économiques et à encourager une meilleure acceptation de la présence du loup parmi les communautés locales. Le dialogue et la médiation jouent également un rôle crucial. En facilitant les discussions entre les différentes parties prenantes - incluant les défenseurs de la nature, les éleveurs, les chasseurs et les autorités locales - il est possible de trouver des solutions collaboratives adaptées à chaque contexte local.


La recherche scientifique continue de jouer un rôle essentiel en fournissant des données sur les populations de loups, leurs comportements de prédation et leurs déplacements. Ces informations sont cruciales pour guider les décisions de gestion et élaborer des politiques efficaces qui tiennent compte des besoins de conservation et des réalités économiques des éleveurs.


Le plan Loup 2024 - 2029 en France suscite des débats passionnés entre défenseurs du loup et éleveurs. L'Office Français de la Biodiversité a révélé une augmentation du nombre de loups à 1 104 individus, ce qui divise l'opinion sur l'impact de cette croissance pour la conservation de l'espèce. Pourtant, malgré cette hausse, les experts estiment que la population de loups en France reste encore loin du seuil de viabilité nécessaire à long terme (une population de 2 500 à 5 000 loups est nécessaire pour compter 500 individus potentiellement reproducteurs). Le nouveau plan Loup vise à améliorer la gestion des interactions entre loups et troupeaux, notamment par une meilleure protection des élevages et des mesures d'indemnisation adaptées. Il préconise aussi l'utilisation prédominante des tirs d'abattage au lieu des tirs d'effarouchement pour contrôler les attaques de loups. Des approches non létales pourtant préconisées par scientifiques et associations de protection de la faune sauvage qui soulignent leurs effets dissuasifs et éducatifs plus efficaces.


En septembre 2023, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré que la concentration croissante de meutes de loups posait un danger pour le bétail et potentiellement pour l'homme. De ce fait, la Commission européenne a lancé une collecte de données pour évaluer l'impact des populations de loups en vue d'une éventuelle modification du statut de protection du loup. Pourtant selon le Ministère de la Transition Écologique, bien que le nombre de loups ait doublé, le nombre d’attaques est lui resté stable.




Cohabiter avec le loup ?


L'éducation et la sensibilisation du public sont primordiales pour promouvoir une compréhension mutuelle et une acceptation de la présence du loup dans les écosystèmes. Cela inclut informer les éleveurs sur les avantages écologiques des loups et sur les meilleures pratiques pour minimiser les conflits. En combinant ces approches multidimensionnelles, il est possible de progresser vers une coexistence plus harmonieuse entre les loups et les activités humaines, tout en préservant les écosystèmes précieux où ces prédateurs jouent un rôle crucial.


Le retour du loup, superprédateur en haut de la chaîne alimentaire, bénéficie à la biodiversité en régulant les populations d'ongulés sauvages, favorisant ainsi un écosystème équilibré. Cette régulation crée une cascade trophique qui impacte positivement l'écosystème, comme observé après la réintroduction du loup dans le parc américain de Yellowstone. Les modifications comportementales des herbivores évitant les zones à risque de prédation entraînent une régénération végétale, offrant refuge à de nouvelles espèces animales. Les proies laissées par les loups attirent d'autres prédateurs et charognards, enrichissant la biodiversité locale. Le loup, espèce protégée en Europe depuis son retour, est essentiel pour maintenir les équilibres naturels sans éradiquer les espèces herbivores.

211 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Commentaires


Les commentaires ont été désactivés.
bottom of page