Lorsqu’on parle de chimie ou d’industries chimiques, les mots les plus fréquemment associés sont « pollution », « risque » et « danger ». Même si certains reconnaissent que la chimie joue un rôle important dans le quotidien, d’autres ne pensent pas que la chimie soit indispensable à l’amélioration des conditions de vie. Alors finalement, quelle est vraiment l’importance de la chimie ? Quels sont les risques et les conséquences qui lui sont intrinsèques ?
Quelle est l’importance de la chimie dans la vie quotidienne ?
La chimie est une science expérimentale qui étudie la matière, de par ses propriétés, ses transformations ainsi que les lois qui régissent celles-ci. Elle existe depuis très longtemps, sous le nom d’alchimie dans l’Egypte ancienne jusqu’à la chimie moderne apparue au 18e siècle. Grâce aux travaux de nombreux scientifiques, la chimie se développe fortement et acquiert une place forte dans de nombreux domaines de la vie courante, que les substances soient naturelles ou synthétiques :
Agriculture : amélioration des rendements agricoles avec les engrais, les pesticides…
Médecine : fabrication des médicaments, du matériel médical, de la stérilisation…
Habitat : fabrication des matériaux (fer, ciment, tôle, peinture…)
Transports : fabrication des matériaux et des carburants pour les avions, véhicules, bateaux, trains…
Environnement, hygiène : fabrication des savons et détergents ; développement des moyens de surveillance et solution pour l’environnement,
Vie quotidienne : fabrication des vêtements, des chaussures, des sacs, des stylos, des téléphones, des livres…
La chimie permet de comprendre certains procédés d’art et d’améliorer les analyses utilisées par la police scientifique. Sa présence est d’autant plus flagrante dans le domaine biologique avec la formation de l’hémoglobine, le fonctionnement des globules blancs ou avec le code de génétique. De plus, conjointement avec la physique et la biologie, la chimie permet notre compréhension des phénomènes matériels, dans notre capacité d’agir sur eux, de les modifier, de les contrôler.
Un monde privé de chimie serait un monde sans réelle compréhension de ce qui nous entoure et sans matériaux synthétiques (soit tous les éléments cités ci-dessus). Le monde serait totalement différent de ce que nous connaissons actuellement.
Les industries chimiques en France
La place de l'industrie
Le domaine de la chimie est un pilier économique important puisque la France était le 2ème producteur européen en 2022. C'est aussi un domaine qui offre de nombreux emplois et bénéficie de l'excellence française dans cette science (plusieurs prix Nobel, formations de haut niveau, …).
Cette industrie se décline selon les différents domaines de la chimie : la chimie minérale (colorants, pigments, soude, engrais, …), la chimie organique (emballages, pièces d'usinage, produits pétrochimiques, …), la formulation (savons, détergents, parfums, …), la chimie fine (molécules complexes, produits pharmaceutiques, …) et la chimie de spécialités (traitement de l'eau, peinture, colles, …). Et elle alimente une grande variété de secteurs économiques avec près de 3 300 entreprises en 2020.
Sites industriels et sécurité
Comme évoqué en introduction, les accidents industriels marquent les esprits et ternissent la vision que l'on peut avoir de la chimie. Cependant, même si on ne peut pas supprimer totalement les dangers qui sont intrinsèquement liés à la chimie, il est possible d'agir pour les prévenir au maximum et limiter ainsi les dégâts engendrés.
Le texte européen le plus connu concernant l'encadrement des risques liés aux installations industrielles est sûrement la directive SEVESO. Il est accompagné d'une loi nationale nommée " Risques " qui prévoit la mise en place de plans de prévention des risques technologiques pour maîtriser l'urbanisation aux abords de certaines installations industriels à haut risque. Mais qu'est-ce que tout cela veut dire concrètement ?
Un risque technologique est un évènement accidentel se produisant dans une industrie et entraînant des conséquences importantes pour les populations, les biens et l'environnement plus ou moins aux abords du site. Un site SEVESO concerne les industries qui présentent des risques majeurs liés à la manipulation, la fabrication, l'emploi ou le stockage de substances dangereuses. Elles sont classées en seuil haut ou seuil bas selon des seuils de quantités propres aux produits chimiques utilisés.
La prévention mise en place par la loi "Risques" repose sur différents axes.
Tout d'abord, une maîtrise du risque par l'exploitant permise par un renforcement de la réglementation et des effectifs des inspecteurs des installations classées.
Ensuite, par la maîtrise de l'urbanisation dont l'objectif est d'éloigner les populations du danger.
Cependant, lorsque cela n'est pas possible, il est nécessaire d'informer le public selon leur proximité. Il s'agit du 3e axe qui rend obligatoire cette communication auprès des acheteurs et locateurs de tout bien immobilier dans une zone à risque ainsi que la création de réunions de suivi de site impliquant les riverains et les associations concernées.
Enfin, il paraît évident que la panique et la précipitation en cas de problème doivent s'anticiper ; il est donc primordial d'organiser, avec les secours, les actions à entreprendre en cas d'incident.
Santé, environnement et chimie
De manière générale, à partir du moment où des produits chimiques sont présents, il y a un risque environnemental et un impact sur la santé. Cependant, un composé chimique peut être bénéfique ou dangereux : il faut garder en tête la notion de dose.
La santé
D'un point de vue sanitaire, l'impact va dépendre de plusieurs paramètres comme les propriétés du composé, l'exposition (intensité, fréquence, durée…), les voies d'entrée dans l'organisme (respiratoire, cutanée ou digestive) et l'état initial de la personne exposée. Les effets peuvent apparaître immédiatement (une brûlure par exemple) ou être différés suite à des contacts répétés (comme les cancers). Il serait impossible de réaliser ici une liste exhaustive de tous les composés chimiques dangereux et leurs effets sur le corps humain mais des exemples sont données dans le dossier sur les risques chimiques.
Dans le monde du travail, les produits chimiques rencontrés sont plus dangereux car en plus grande quantité. Pour assurer au maximum la sécurité sanitaire des travailleurs, plusieurs éléments sont mis en place et communiqués. Tout d'abord, une évaluation des risques qui vise à repérer et sécuriser tous les produits présents ou susceptibles d'être rencontrés dans les locaux. Ensuite, l'objectif est de prioriser une suppression ou une substitution des composés et procédés dangereux pour des solutions présentant moins de risques. Enfin, quand ceci n'est pas possible, il est nécessaire de déterminer les niveaux d'exposition (valeurs limites d'exposition professionnelles propres à chaque composé) ainsi que de mettre en place des équipements de sécurité. S'il n'est pas possible d'utiliser des solutions collectives, des équipements de protection individuelle sont indispensables. Ces éléments sont souvent vus comme des contraintes par les salariés, cependant, elles permettent de préserver leur sécurité ainsi que leur vie.
Pour la population, c'est un peu plus délicat. Comme indiqué précédemment, les produits chimiques se trouvent partout dans notre quotidien, de manière moins concentrée. Même si ces produits sont contrôlés avant d'être mis sur le marché, on ne peut pas contrôler que les consignes d'utilisation sont respectées : il en va de la responsabilité de chacun. Il est donc important de savoir les identifier (signalisation) et de se renseigner sur leur utilisation. Ainsi, il est fortement conseillé d'éviter les mélanges dont les effets peuvent parfois être méconnus, d’éviter les transvasements de produits et de se protéger lors de l’utilisation, que ce soit en extérieur ou en intérieur. En effet, être seulement en extérieur ne diminue pas nécessairement le risque auquel vous vous exposez.
L'environnement
Aucune activité humaine et aucun produit est environnementalement neutre : tout a un impact sur l’environnement, à des échelles différentes. Par exemple : individuellement, on rejette tous du dioxyde de carbone (CO2) en respirant ; industriellement, la production implique la consommation de matières premières et des rejets divers ; mondialement parlant, l’ensemble de ces rejets s’additionnent. Outre ces émissions liées directement au fonctionnement de notre organisme ou des industries, il est aussi possible que des accidents aient lieu même si de nombreuses mesures sont mises en place pour les éviter. Les accidents constituent malheureusement la principale réputation de la chimie, que ce soient des incendies, des explosions, des déversements… Il est aussi de connaissance commune que certains domaines sont très polluants comme le textile ou la pétrochimie.
Le concept d’impact environnemental correspond à l’ensemble des modifications de l’environnement engendrées par un élément (projet, processus, produit) de sa conception à sa « fin de vie ». Il y a 13 indicateurs différents pour évaluer cet impact dans les domaines de l’air, de l’eau et des ressources des sols et la santé humaine. Ils s’étendent de l’effet de serre à l’épuisement des ressources non renouvelables, en passant par la pollution particulaire de l’air et l’eutrophisation des eaux. Ces modifications de l’environnement vont entraîner un dérèglement de la biodiversité mais aussi climatique et ainsi participer à l’augmentation des catastrophes naturelles.
Cependant, la chimie n’est pas nécessairement incompatible avec l’environnement. En effet, même si ça a demandé du temps, une prise de conscience a amorcé un véritable tournant dans ces questions environnementales. La chimie joue donc un rôle primordial dans la lutte contre la pollution et dans la compréhension des phénomènes induisant les pollutions, comme le montre le réseau de surveillance de la qualité de l’air. Elle permet aussi d’avancer dans les procédés de recyclage ou dans des alternatives plus vertes aux procédés déjà mis en place. En effet, plusieurs domaines sont concernés par ces évolutions par exemple comme la biochimie, l’électrochimie, l’industrie du bâtiment ou les transports (sources plus approfondies). Ces développements sont plus que jamais essentiels dans le contexte actuel.
Qu’est-ce qui est fait ?
Au niveau mondial, il n’y a pas encore de réglementations uniformes selon les pays. Cependant, de nombreuses pistes sont évoquées comme encourager les actions contres les plastiques et les actions ayant un impact environnemental positif, favoriser les recherches sur les impacts (sanitaires et environnementaux) des produits chimiques selon leurs doses ou encore sensibiliser les populations. En effet, notamment pour les plastiques mais pas que, les organisations mondiales ont le souhait d’enrayer la pollution. Cette action de lutte mondiale est reconnue nécessaire par l’organisation des nations unies (ONU) et le conseil des associations chimiques (ICAA).
Au niveau européen, les efforts consentis actuellement ne sont pas considérés suffisants par la commission européenne. Selon le plan d’action « Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols », il y a un souhait d’intensification des efforts pour atteindre un objectif de pollution nulle d’ici 2050. Cet objectif passe par des paliers : par exemple, pour l’année 2030, les attentes sont, entre autres, une baisse de 55 % des décès prématurés liés à la pollution atmosphérique ou encore de réduire de 50 % les déchets plastiques en mer. Le but étant de parvenir à vivre dans les limites de notre planète ce qui, actuellement, est loin d’être le cas.
Au niveau de la France, de nombreuses réglementations sont mises en place ainsi que plusieurs dispositifs de surveillance (Programme national de biosurveillance, Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), …). Il existe aussi des aides ayant pour objectif de rénover les habitats afin de diminuer les émissions et les consommations liées au chauffage. Enfin, depuis 2009, il existe une journée pour la résilience face aux risques naturels et technologiques majeurs en date du 13 octobre. Elle a pour objectif de réduire les risques de catastrophe en réalisant des exercices à grande échelle pour améliorer la gestion de ces accidents mais aussi prévenir la population et améliorer les réflexes de chacun. Ces exercices peuvent sembler « inutiles », voir exagérés pour certains, mais ils pourraient permettre de vous sauver la vie en cas d’incidents graves.
Alors que faire à notre échelle ?
Maintenant qu’on sait tout ça, qu’est-il possible de faire à notre échelle ? D’un point de vue purement produits chimiques, il est nécessaire de prêter attention aux conseils d’utilisation / de précautions et de les manipuler en sécurité. Par exemple, porter des gants et des lunettes en manipulant de la javel ou des produits à base de soude ou d’acide ; ne pas mélanger des produits au risque de s’exposer à des vapeurs irritantes et/ou toxiques. Il ne faut pas évidemment pas les laisser à la porter des enfants ou des animaux qui n’ont, eux, pas conscience du danger. Enfin, pour aller encore plus loin, il est préférable d’utiliser des alternatives moins dangereuses comme, par exemple, le vinaigre blanc ou l’eau oxygénée à la place de l’eau de javel.
Pour aller plus loin, dans notre quotidien, nous pouvons être exposés à d’autres composés chimiques qui peuvent nous sembler moins dangereux que ce que nous considèrons comme des produits chimiques. Il peut s’agir de peinture ou de colle dont les solvants s’évaporent lors de l’utilisation ou encore la poussière lors de travaux sur bois (coupe, usinage) qui peut être à l’origine de maladies de l’appareil respiratoire allant jusqu’au cancer. Il est donc primordial de bien se renseigner sur les mesures à suivre avant de se lancer. Dans les exemples pris, le port du masque et le travail en extérieur sont indispensables.
Enfin, pour aller plus loin dans les actions contre la pollution au quotidien, il y a une multitude de pistes possibles :
Choisir une meilleure énergie de chauffage pour limiter l’impact autant pour la production de l’énergie que pour les émissions dans l’atmosphère.
Réaliser l’impact de vos déplacements et chercher des alternatives : par exemple, un vol aller-retour long courrier en avion émet 2 t de CO2 soit 10 000 km en voiture…
Privilégier les aliments de saison ne nécessitant pas d’importation par avion ou bateau.
Se tourner vers le recyclage et la réparation plutôt qu’acheter neuf : par exemple, la production d’1 kg de textile engendre une émission de 17 kg de CO2 supplémentaire alors que de nombreux vêtements attendent de retrouver une utilité.
Sur un aspect moins financier, vous pouvez aussi participer à des actions environnementales comme le nettoyage des espaces naturels. Un impact visible immédiatement et bénéfique dans la durée. Pour préserver notre planète, chaque geste compte.
Ressources complémentaires (en anglais) :
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