Répandu dans toute l’Europe de l’Ouest, dans une partie de la Scandinavie et de la Russie, le hérisson est à la fois symbole de la maîtrise du feu dans la mythologie sumérienne, indicateur de bonne saison dans l’Antiquité romaine ou encore emblème phare de Louis XII. Au-delà de sa valeur hautement symbolique, le hérisson d’Europe est aussi indispensable à la biodiversité mais malheureusement menacé d’extinction. Aperçu sur la route (grande prudence !) ou croisé dans nos jardins, ce petit mammifère nous apporte pourtant de nombreux services au quotidien et sa seule présence rend possible celle d’autres espèces animales. C’est pourquoi, nous nous devons de les protéger.
Quelles sont ses caractéristiques ?
Erinaceus europaeus aussi appelé hérisson commun ou hérisson d’Europe est une espèce de petit mammifère insectivore. Ces petits êtres mesurent entre 15 et 30 cm de longueur et présentent un museau pointu, des yeux et des oreilles relativement petits. D’une espérance de vie de 2 à 3 trois ans, ils sont connus pour leurs (très) nombreuses épines (jusqu’à 5000) qui constituent leur principale moyen de défense contre les prédateurs.
Cet animal est doté d’un odorat très développé et d’une excellente ouïe. Ces sens particulièrement affutés lui permettent de détecter aliments, prédateurs, proies potentielles et partenaires sexuels (notamment grâce aux phéromones émis lors de la saison des reproductions). Malgré cette aptitude, le hérisson est aussi particulièrement myope. Sa vision lui fait défaut, mais est largement compensée par ses autres sens.
Fait assez surprenant : au vu de sa petite taille, il est capable de parcourir une distance comprise entre 500 m et 5 km chaque nuit, à une allure moyenne de 3 mètres/min. Il a aussi la capacité de réaliser des accélérations sur 30 voire 40 mètres ! Le hérisson possède un mode de vie nocturne puisque ce n’est qu’à la tombée du jour qu'il se hasarde à sortir de son abri pour partir à la recherche de nourriture. Le reste du temps, ce petit animal vit dans des biotopes variés, en milieu périurbain et agricole : bois de feuillus, haies, lisières de forêts, talus, bocages ou jardins. A noter que sa présence est étroitement liée à celle de corridors écologiques, tels que les haies.
D’octobre à avril, le hérisson hiberne [1] pour survivre aux périodes de froid et de pénurie alimentaire. Ainsi, au retour du printemps il sort de sa torpeur et retourne vaquer à ses occupations. Selon les saisons et les besoins, il occupe différents types de nids et peut effectuer des rotations :
Les nids journaliers lui permettent de s’abriter et se reposer pendant le jour.
Les nids particuliers appelés “ hibernaculum ” sont spécifiques à l’hibernation.
Les nids de maternité, plus grands, sont élaborés pour l’élevage et la croissance des jeunes hérissons.
De nature territorial, ce petit mammifère a un domaine vital très étendu. A titre d’exemple, dans une zone moyennement riche en offre de nourriture, ce domaine peut varier de 3 à 90 hectares. Cette grande variation s’explique par différents facteurs : la période de l’année, le milieu, le sexe ou l’âge de l’individu…
Les hérissons sont des animaux très solitaires : ils ne tolèrent pas la présence d’autres congénères sur leur territoire et ne se rencontrent qu’en période de reproduction. Ils atteignent leur maturité sexuelle vers une dizaine de mois et peuvent se reproduire dès leur deuxième année. Comme plusieurs espèces animales (telles que le paon ou le paradisier superbe), ce petit mammifère doit, pour faire la cour à sa femelle, réaliser une parade nuptiale [2]. Les femelles ont en moyenne d
eux portées par an de 4 à 7 petits ou herissonneaux, dans un nid préalablement construit : la première portée a lieu vers mai-juin puis la deuxième entre août et octobre. A la naissance, les petits sont nus et aveugles, ce qui les rend particuièrement vulnérables aux dangers du monde extérieur. Ils sont exclusivement élevés par leur mère puis sont sevrés en 4 semaines. Ils s’émancipent vers 6 à 7 semaines avec un poids d’environ 250 g, soit plus de 10 fois leur poids de naissance. On attribue également aux hérissonneaux le nom de “ choupisson ”, un mot-valise construit par le chercheur en génétique évolutive Pierre Kerner.
Une espèce sentinelle
Le hérisson est une espèce “sentinelle”, dont la sensibilité et la courbe de population permettent d'indiquer les changements au sein d’un écosystème donné. " Le hérisson est un animal qui sonne l’alerte sur l’état des écosystèmes " selon Nathalie de Lacoste, chargée d’étude des mammifères au Muséum National d’Histoire Naturelle. En effet, par leur sensibilité, la taille des populations impactée reflète directement les modifications qui ont pu s’opérer. En d’autres termes une diminution de la population est révélatrice d’une modification de leur milieu de vie.
Friands d’insectes, qui constituent la majeure partie de leur alimentation, les hérissons se nourrissent également de petits mammifères (souris, musaraignes), de fruits, d’œufs, d’oisillons, d'invertébrés, de végétaux... C’est pourquoi, ils jouent un rôle essentiel dans les écosystèmes en tant que prédateur de petites proies. De cette manière, ils contribuent activement à la régulation des populations d'invertébrés, ce qui peut avoir un effet bénéfique sur la croissance des plantes et sur la bonne santé et l'équilibre du milieu dans son ensemble. En s’alimentant, ils absorbent des nutriments importants qui peuvent être libérés dans l'environnement sous forme de fèces. Ces dernières contiennent des graines et des spores qui peuvent germer et donner naissance à de nouvelles plantes. Ils contribuent ainsi à la dispersion des graines et à la diversité florale.
En tant que proie pour d’autres animaux comme le renard, le hibou grand-duc ou le blaireau européen, les hérissons sont également un maillon de la chaîne alimentaire. et leur présence est indispensable pour maintenir la biodiversité.
Une espèce particulièrement vulnérable
Les hérissons sont vulnérables à de nombreuses menaces environnementales, liées à la perte ou à la fragmentation de leur habitat, mais également à la pollution, la disparition des ressources alimentaires (notamment les invertébrés), l’usage de produits chimiques ou encore le trafic routier. En raison de ces menaces, les populations de hérissons ont connu un déclin important ces dernières années. Les hérissons sont de plus victimes d’atteintes multiples, de nature fongique, bactérienne, virale et parasitaire, qui se développent sur le territoire.
La captivité est particulièrement éprouvante pour ce petit mammifère, avec un risque d'exposition à de nouveaux pathogènes. L’usage d’une alimentation artificielle, la proximité inadaptée avec des congénères, l’immuno-depression ou encore l’imprégnation [3] et l’habituation à l’humain constituent des facteurs de vulnérabilité. Bien que rare chez le hérisson, le phénomène d’imprégnation peut se produire et modifie grandement son comportement, le rendant complètement inapte à la vie sauvage. Enfin, il existe malheureusement un fort taux de mortalité chez les jeunes avec près de 70% d’entre eux tués avant l’âge de 1 an ; une grande majorité étant victime du trafic routier. Le trafic routier causerait la mort d’environ 1,8 millions d’individus chaque année.
Quel statut de protection ?
Il existe différentes mesures qui ont pour but de préserver les populations d'espèces sauvages, comme le hérisson, et de maintenir la diversité biologique. D’ailleurs c'est aussi une espèce parapluie : c’est-à-dire une espèce dont les mesures de protection profitent à d’autres espèces vivantes.
Dans toute l’Europe, le hérisson est une espèce protégée et est inscrite en Annexe III de la Convention de Berne. Autrement appelée Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe. Entré en vigueur en 1982, cet accord vise à protéger la biodiversité et les écosystèmes d'Europe. Il est donc bien interdit de capturer, de vendre, de mutiler, ou de tuer cet animal.
En raison de son importance écologique et de sa fragilité, le hérisson bénéficie de mesures de protection très fortes en France. Ainsi, la loi n°76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature qui prévoit des mesures de protection des certaines espèces animales et végétales sauvages, dont le hérisson. Cette loi a été renforcée en 2016 par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Depuis 2007, le hérisson est intégralement protégé avec une publication de l’arrêté fixant la liste des mammifères terrestres protégés. Selon l’article L415-3 du code de l’environnement, toute atteinte, y compris toute captivité, peut être condamnable jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
Sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), qui est la liste mondiale des espèces menacées, le hérisson d’Europe n’est classé qu’en " préoccupation mineure " . Cependant, ce statut peu alarmant est en contradiction avec la réalité du terrain qui révèle la vulnérabilité incontestable de cet animal, véritable pivot de la biodiversité, et l’anthropisation de ses milieux de vie comme facteur majeur du déclin de la population. En Grande-Bretagne, le nombre d’individus est passé de 30 millions en 1950 à 1,55 millions en 1995...
Quels (bons) gestes adopter ?
A notre échelle, une des choses les plus simples et les plus importantes à faire est de ne pas les déranger, ni de les toucher. Le hérisson reste une espèce sauvage non habituée à la présence humaine. Il convient donc d’éviter le surinterventionnisme, d’évaluer systématiquement la pertinence d’une intervention et de confier leur prise en charge à un centre de soins de la faune sauvage. Ramasser un hérisson qui n’a pas besoin d’aide peut être très préjudiciable, déclenchant un stress intense, avec des impacts graves sur l’organisme de l’animal.
Une intervention peut s’avérer nécessaire dans le cas d’un individu :
particulièrement jeune,
de très petite taille aperçu en hiver,
blessé, couvert de croûtes, titubant, inconscient, couvert de mouches ou de leur ponte, infesté massivement par des parasites.
En revanche, la présence diurne d’un individu sain ne nécessite aucune intervention; elle peut s’expliquer entre autre par un dérangement (par exemple, la destruction de son nid), la recherche de nourriture, notamment dans le cas d’une femelle allaitante, d’un jeune en cours d’émancipation ou à l'approche de la période hivernale. Si vous portez secours à un hérisson, il convient de le manipuler avec des gants, de le placer dans un carton avec un plaid, de lui fournir une source de chaleur (ex : bouillotte) et de veiller à retirer au préalable asticots et ponte de mouche qui constituent une véritable urgence vitale.
Il ne faut pas nourrir un individu malade ou avec un état de santé dégradé, au risque de l’étouffer, de lui fournir une alimentation inappropriée ou de le stresser. Si l’individu est maître de ses mouvements, il est possible de lui mettre à disposition une gamelle d’eau. Il est vivement recommandé d’éviter le nourrissage artificiel des hérissons. Une nourriture inappropriée (pain, croquettes, lait) peut causer des problèmes rénaux, hépatiques, bucco-dentaires ou d'obésité. La pratique de nourrissage peut également entretenir une densité artificiellement élevée à l’origine d’une compétition accrue et d’agressions entre individus, de propagation de maladies et de parasites… Enfin, elle a tendance à perturber le cycle de vie et le processus de sélection naturel, et à créer une dépendance délétère envers l’homme.
Quelques améliorations de nos parcelles de jardin peuvent contribuer à leur plus grand bonheur :
laisser un coin sauvage sans intervention humaine (et sans produits chimiques),
créer une mare,
aider à la construction d’abris et de sites de nidification.
Par ailleurs, nos jardins regorgent de pièges liés aux activités anthropiques auxquels nous ne pensons pas forcément alors voici quelques-uns que nous pouvons éviter :
sécuriser les bassins, piscines, points d’eaux, conduits, tuyaux et bouches d’évacuation. Dans les piscines, une rampe d’accès suffisamment large et rugueuse peut être installée pour éviter le risque de noyade.
ramasser les déchets pour éviter que les hérissons ingurgitent du plastique ou d’autres ordures nocives pour eux.
Même si les hérissons sont particulièrement discrets, voici quelques bonnes pratiques à ajouter à notre quotidien pour favoriser leur biotope et une bonne cohabitation :
ne pas tailler les haies durant le printemps/été, car il s’agit de leur lieu de vie,
faire preuve de la plus grande vigilance en tondant la pelouse, en brûlant les feuilles ou un tas de bois mort,
Enfin, l’installation de passages à faune est indispensable à la sauvegarde du hérisson, en permettant de pallier la fragmentation de son habitat et de créer une véritable continuité écologique. Ces passages doivent mesurer au moins 15 cm de diamètre et peuvent être découpés dans les palissades, grillages ou murs. Ils peuvent également comprendre une rampe d’accès.
A présent, vous en savez un peu plus sur le hérisson commun. Et si vous croisez le chemin de cette petite bête dans vos jardins, sachez qu’elle vous rend de nombreux services, alors ne la faites surtout pas fuir.
Pour aller plus loin
[1] L'hibernation est un état de torpeur ou de dormance profonde qui est adopté par certains animaux pour survivre pendant les périodes de conditions environnementales défavorables. Durant cette période, le métabolisme de l'animal ralentit considérablement, ce qui réduit sa consommation d'énergie.
[2] Comportement adopté par un animal qui parade en vue d'attirer un partenaire sexuel et de le convaincre à s'accoupler.
[3] Empreinte filiale et sexuelle développée par un animal sauvage suite à un contact trop prolongé et exclusif avec unes espèce autre que la sienne.
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