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Comment créer un jardin ressource pour la biodiversité

Le 18 mai 2022, nous avions la chance de passer une heure en compagnie de Pierre Feltz, jardinier, maître composteur et formateur en Auvergne, pour un webinaire sur la thématique “Créer un jardin-ressource pour la biodiversité”. Si vous avez manqué ce rendez-vous, en voici une synthèse : rien ne vaut la rediffusion, n’hésitez pas à aller le visionner.


Pierre Feltz possède à Yronde-et-Buron en Auvergne, un grand jardin de 4000 m² avec des espaces potagers, d’agrément, des fleurs et des arbres fruitiers. Au quotidien, il y expérimente des méthodes de jardinage au naturel, permettant une production alimentaire respectueuse du vivant et pourvoyeuse de biodiversité. Les principes et conseils proposés durant le webinaire étaient, pour autant, adaptables à tout type de jardin : petits, moyens et gigantesques ! Passons-les en revue ensemble.


Jardin de Pierre Feltz en Auvergne

Les déchets verts ne sont pas des déchets !


Nos habitudes récentes de pelouses épilées de près et haies au carré nous ont amenés à considérer les résidus de tonte et de taille comme des déchets. C’est pourtant une ineptie totale, tant ils représentent un formidable gisement de matière organique qui doit revenir dans le cycle du vivant le plus directement possible : en le laissant sur place dans le jardin !


En plus de priver le sol d’un apport de carbone et nutriments pourtant essentiels, se débarrasser de ces “déchets verts” coûte cher en argent et en énergie (notamment en pétrole) pour tout le monde : pour les jardiniers qui doivent les transporter à la déchetterie (et au prix du diesel, cela peut vite chiffrer…) mais aussi pour les collectivités qui doivent financer des plateformes de réception et traitement de ce gisement (par broyage notamment).


Oubliez vos allers-retours à la déchetterie donc, et laissez le bois, la tonte voire le broyat sur place ! Il amendera votre sol, qui vous le rendra bien.



La biodiversité est garante des agrosystèmes


S’il est plus facile de s’émouvoir du vol du papillon, de la mélodie du moineau ou, à l’extrême opposé, de la gracieuse lourdeur de l’éléphant, il existe toute une “biodiversité ordinaire”, bien plus silencieuse et invisible, qui est pourtant garante de l’équilibre et de la productivité (dans le cadre d’un jardin) des agrosystèmes. Qu’elle soit pourvoyeuse d’oxygène, fixatrice d’azote ou participant à la pollinisation, elle fournit de nombreux biens et services dont nous bénéficions directement.


Une occasion de rappeler que, compte tenu des perturbations dramatiques et critiques que l’Homme induit sur la nature, il est grand temps de se retirer le droit de juger de la nuisibilité ou non d’une espèce.


Ce faisant, nous ignorons systématiquement la place et l’importance de chaque vie dans l’équilibre fragile d’un écosystème. Prenons l’exemple des pucerons (ennemis n°1 de bon nombre de jardiniers), ils nourrissent de nombreux prédateurs qualifiés “d’utiles” ou “auxiliaires”, qui, grâce à eux, peuvent se développer et participer à la régulation globale et à l’harmonie des populations au jardin.


Pucerons prédatés par la guêpe parasitoïde Aphidius colemani

Laisser toute vie se développer au jardin pour permettre la mise en place des équilibres naturels est donc un leitmotiv à adopter pour tout jardinier ! Dans un contexte de 6ème extinction de masse de la biodiversité, cette position de retrait et d’observation permettra de transformer les jardins en véritables réserves naturelles.


Magnifique orvet ondulant dans le jardin de Pierre Feltz, grâce à la présence d'abris naturels et d'herbe.


Quelques principes pour transformer son jardin en lieu-ressource pour la biodiversité...


Aux abris… ou l’intérêt de la multiplicité des micro-habitats connectés


L’état final de développement d’une prairie ou d’un jardin est, dans nos contrées, une forêt. C’est ce qu’on appelle le Climax. Dès lors il est évident qu'être jardinier c’est lutter contre cette évolution naturelle, afin de conserver un milieu ouvert, permettant de cultiver des fruits et légumes variés. Pour autant, avoir une certaine maîtrise et encadrement de son espace de production n’empêche pas la préservation d’espaces plus sauvages, mis au service de la biodiversité.


Pas plus qu’il ne nous viendrait l’envie de vivre nus comme des vers et sans la moindre défense dans une jungle hostile, la meilleure façon d’héberger de la biodiversité est de lui offrir un toit sécurisant en multipliant les micro-habitats. Ces derniers doivent être suffisamment nombreux, proches les uns des autres, disponibles à toutes les hauteurs et toutes les époques pour constituer une trame complexe dans le jardin.

Le respect de cette notion fondamentale permet d’assurer le déplacement sécurisé des espèces dans tous les espaces et leur capacité à trouver de la nourriture en limitant les risques de prédation.


Parmi les micro-habitats possibles, l’herbe est certainement le plus facile à mettre en place puisqu’il suffit… de la laisser pousser (cf. ci-dessous) ! Elle héberge, dès lors qu’elle est suffisamment haute, une très grande diversité d’insectes et d’animaux.

Ainsi soit-il du lierre, éternel incompris et accusé à tort d’étouffer les arbres par son volubile développement : il offre, bien au contraire, un abri permanent tout au long de l’année à de nombreuses espèces s’y abritant, ainsi que de la nourriture pour les insectes nectariphages et les oiseaux qui consomment ses baies en hiver.


Le lierre, un lieu participatif très généreux.


Des fleurs, des pucerons et de l’eau !


Pour poursuivre sur la thématique de la nourriture, les fleurs au jardin restent un garde-manger de premier choix pour une multitude d’espèces. Nectar, pollen, feuilles, le menu est aussi varié que la diversité des convives ! N’hésitez donc pas à multiplier les espaces fleuris dans vos jardins, en privilégiant la préservation de fleurs sauvages, s’implantant spontanément, plutôt que la plantation de graines exotiques ou tout du moins, non indigènes, achetées en jardinerie.


Nous avons parlé abris et nourriture, l’eau est, au même titre, un élément essentiel au jardin, pour les insectes, les oiseaux, et de façon générale toute la petite faune. De la petite coupelle posée à l’ombre et à l’abri, à la mare, permettant le développement de tout un écosystème, les solutions sont multiples et s’adaptent totalement à la taille des jardins.


La mare, un des écosystèmes les plus précieux au jardin.


Herbe : différencier les pratiques de tonte


Réduire nos interventions au jardin en les diversifiant, voici un autre principe à adopter par tous les jardiniers désireux de préserver la biodiversité. L’idée est simple : s’autoriser des espaces avec des herbes plus courtes pour y circuler, s’y délasser, jardiner, tout en conservant en marge des espaces avec des herbes hautes. La tonte à ras des pelouses, en dehors de l’aspect esthétique que certains lui trouve (et qui ne fait pas l’unanimité) n’a que des impacts négatifs : elle expose le sol à l’altération par la pluie, le vent et aggrave la sécheresse en période chaude et impact directement la faune du sol qui n’y trouve plus ni abri, ni nourriture. Pour finir, cela accélère la repousse de l’herbe et entraîne à terme sa disparition, au profit d’autres espèces, souvent moins appréciées (pissenlit, trèfle, mousses...). En témoigne cette belle sauterelle, les herbes hautes sont un réservoir de vie ! Il en va de même pour tous les espaces du jardin, les espaces “propres” sont les plus pauvres en biodiversité : laissons pousser les espèces s’implantant spontanément dans les zones non cultivées.


Si le mulching a le vent en poupe (technique de tonte où l’herbe est coupée en petits morceaux laissés sur place), son utilisation doit être limitée car il entraîne un retour local d’azote au sol très important, qui, à terme, favorise la pousse des graminées au profit de celle des fleurs. Il ne faut donc pas hésiter à exporter la tonte pour en faire un paillage de qualité au potager ou sous des arbres fruitiers par exemple.



Faire abris de tout bois


Porte-drapeau de ces fameux “déchets” verts (que nous n’appellerons plus jamais ainsi) dont beaucoup sont encore si empressés de se débarrasser, le bois en est certainement le plus volumineux et le moins exploité.


Durant le webinaire, Pierre Feltz nous a présenté deux modes de stockage définitif du bois au jardin, permettant d’obtenir au fil du temps, un terreau extrêmement qualiteux pour le potager et surtout hébergeant une faune spécifique et très précieuse (hérissons, lézards, coccinelles) :

  • La haie sèche : alignement en vis à vis de piquets au milieu desquels on entasse, en rangeant le mieux possible, les branches. La longueur est variable selon la taille du jardin. La haie sèche est très favorable pour faire grimper des lianes comme des kiwaï, du houblon, de la vigne…

La haie sèche
  • La fagotière : méthode créée par Pierre Feltz, structure en bois créant un espace carré, permettant de la même façon de stocker du bois, tout en faisant pousser de nombreuses plantes durant la saison chaude et habiller ainsi cet espace (houblon, lianes…).

La fagotière

Sol fertile, sol vivant


L’obsession du sol vivant gagne petit à petit du terrain, tant dans les jardins domestiques que dans les exploitations agricoles. Il est créé et entretenu par l’apport régulier de matière organique (processus naturel en forêt avec la décomposition des feuilles et du bois mort), qui transforme et structure le sol et en nourrit sa faune (bactéries, champignons, vers de terre). En décomposant la matière, celle-ci met à disposition des plantes, tous les nutriments nécessaires à leurs bonnes croissance (ex : turricules ou déjections de vers de terre qui sont de véritables trésors concentrés) et évite ainsi l’apport de fertilisants chimiques, qui créent artificiellement et à grands renforts de diverses pollutions, ce que la Nature sait si bien faire sans ! Paillage d’herbe, de feuilles mortes, de petit branchage ou de bois broyé sont de formidables sources de matière à remettre au sol, vous l’aurez donc compris… les déchets verts n’existent plus, vive les ressources organiques !


à gauche : turricules / à droite : vers de terre



 

Pour aller plus loin, vous trouverez ci-dessous quelques références recommandées par Pierre Feltz :

  • Vivre avec la Terre de Perrine et Charles Hérvé-Gruyer : une des références majeures en matière de permaculture et « écoculture », basé sur l'expérience de la Ferme du Bec Hellouin.

  • Petit et Grand traité pour un jardin punk d’Eric Lenoir, que l’auteur décrit comme suit « : comment créer et gérer un jardin quand on est fainéant, rebelle, fauché et écolo ! » : tout un programme !

  • Le guide du Jardin Bio de Jean-Pierre Thorez et Brigitte Lapouge-Déjean : si vous n'aviez qu'un livre de jardinage dans votre cabane, ce serait celui-là. Connaissances fondamentales, techniques de base du jardinage bio, potager, verger, jardin d'ornemental tout est là : complet, précis, à jour des dernières innovations et tenant compte du changement climatique.

  • Aménager et fleurir son jardin de Brigitte Lapouge-Déjean et Dénis Pépin : un livre dans la droite lignée du webinaire, qui vous permettra de créer un jardin inspiré par la nature, havre écologique et refuge pour la biodiversité (même en ville !).


Pour le webinaire sur cette thématique : voir la rediffusion


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