L'agroécologie, opposée à l'agriculture intensive, vise à créer une agriculture durable en s'appuyant sur les écosystèmes. Bien que complexe, elle est adaptable à diverses formes d'agriculture. La nécessité d'agir face aux effets du changement climatique lui donne désormais une portée nouvelle. Cet article présente les principes fondamentaux de l’agroécologie et les enjeux associés. L'agroécologie offre effectivement des bénéfices durables, mais sa transition implique des ajustements complexes pour les acteurs de l’agriculture, nécessitant un véritable accompagnement.
Contraction d’agriculture et d’écologie, le terme “agroécologie” désigne l'exploitation des fonctions naturelles des écosystèmes afin de créer des systèmes de production agricole durables, dans le but de minimiser l'impact sur l'environnement et de préserver les ressources naturelles. Elle est donc opposée à l’agriculture intensive qui a tendance à privilégier le rendement avant le respect et la préservation des ressources naturelles. Son objectif est ainsi de transformer le modèle de production agricole actuel afin de le rendre plus durable.
Le terme "agroécologie" a été utilisé pour la première fois en 1928 par l'agronome américain Basil Bensin. Cette approche visait à produire de manière plus respectueuse de l'environnement et de la biodiversité. Pendant de nombreuses années, l'agroécologie est restée principalement dans le domaine de la recherche scientifique. Cependant, dans les années 1970, elle a pris de l'ampleur en réponse aux effets négatifs de la production industrielle, en particulier en Amérique latine. Depuis, des mouvements sociaux promouvant l'agroécologie ont émergé, appelant à une agriculture plus durable et respectueuse de l'environnement. Cette approche gagne aujourd'hui en popularité à l'échelle mondiale.
Principes fondamentaux de l’agroécologie
La FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) met à disposition une riche plateforme de connaissances sur l'agroécologie, où sont soulignées dix valeurs fondamentales qui sous-tendent ce concept.
L’agroécologie se base sur des grands piliers parmi lesquels on retrouve :
Le renouvellement de la biomasse et l’entretien de la fertilité des sols
La minimisation des pertes des ressources naturelles (soleil, vent, eau) notamment à travers une gestion raisonnée de l’eau et de l’énergie
L’implantation de semences durables pour limiter le recours aux produits phytosanitaires
La diversification et la rotation des cultures dans le temps et l’espace
La synergie cultures-élevage favorisant un recyclage efficient des ressources
Le bio-contrôle, c’est-à-dire la lutte contre les ennemis des cultures par des éléments naturels (oiseaux, haies d’arbre, etc.)
L’intelligence collective : l’émergence d'initiatives collectives via les interactions humaines, le partage d’expériences et les projets collectifs permet de faciliter la transition vers l’agroécologie
Bénéfices de l’agroécologie
L'agroécologie se présente comme une réponse essentielle aux multiples défis qui pèsent sur l'agriculture mondiale, notamment la sécurité alimentaire, la restauration de la biodiversité et la gestion des ressources naturelles. Cette approche repose sur un cadre de réflexion et d'innovation qui privilégie la création de systèmes agricoles plus durables et résilients. L'agroécologie se base notamment sur la conservation des ressources, la réduction de l'utilisation d'énergies fossiles et la diminution des intrants chimiques dérivés de la pétrochimie pour promouvoir une agriculture durable et respectueuse de l'environnement.
Elle utilise des leviers tels que le biocontrôle pour réguler les maladies et ravageurs en utilisant des prédateurs naturels, et la diversification des cultures pour réduire la dépendance aux intrants. En favorisant ces régulations naturelles, l'agriculture réduit sa dépendance aux pesticides et aux produits chimiques, ce qui a des avantages significatifs pour l'environnement et la santé humaine.
La diversification des cultures contribue également à la biodiversité, car elle crée un environnement propice à une plus grande variété de faune et de flore. Par exemple, la couverture permanente du sol avec des plantes vivantes ou mortes limite le dessèchement, favorise la biodiversité du sol, réduit les mauvaises herbes et enrichit le sol en nutriments. L'intégration d'éléments semi-naturels comme les haies et les bandes fleuries soutient une faune sauvage utile pour la pollinisation et la lutte contre les ravageurs. Le choix des espèces cultivées peut également contribuer à renforcer certaines fonctions écologiques, comme la régulation des adventices ou la fertilisation du sol.
L'agroécologie encourage plus globalement une réflexion sur la façon dont les productions animales et végétales peuvent être intégrées de manière cohérente dans les territoires agricoles.
Des pratiques agroécologiques multiples
L’agroécologie se concrétise dans de nombreuses techniques et approches, en voici quelques unes :
Les cultures associées : cette technique consiste à cultiver des plantes comme les pois et l'orge ensemble. Les pois fixent l'azote dans le sol, bénéfique à la croissance de l'orge. Cette approche augmente les rendements tout en réduisant le besoin d'engrais chimiques.
Non-labour : Le labour traditionnel peut dégrader la fertilité du sol et détruire la biodiversité. Les agro écologistes préconisent le semi-direct, où les plantes sont semées sans labour préalable, contribuant ainsi à la lutte contre l'érosion des sols.
Le reboisement : Replanter des zones non utilisées permet de produire du combustible naturel, favorise la régénération des sols et soutient la biodiversité.
L’agroforesterie: c’est une pratique agricole qui combine la culture d'arbres ou d'arbustes avec des cultures ou de l'élevage sur une même parcelle de terrain. Elle permet ainsi d'améliorer la fertilité des sols, de soutenir la biodiversité et de stocker le carbone. Cette approche a été largement utilisée par le passé, mais elle connaît actuellement un regain d'intérêt en tant qu'application prometteuse de l'agroécologie.
Le compost : il consiste simplement à transformer des déchets organiques, tels que des déchets alimentaires et des résidus de culture, en un amendement organique riche en nutriments pour les sols. Cette pratique favorise la fertilité des sols, améliore leur structure et contribue à réduire la dépendance aux engrais chimiques, tout en limitant le gaspillage.
Les techniques de conservation de sol (ACS): cette technique vise à réduire le labourage excessif des champs, ce qui contribue à préserver la structure du sol, à réduire l'érosion et à améliorer la biodiversité. Elle favorise également une meilleure rétention d'eau dans le sol, réduit les émissions de gaz à effet de serre et améliore la durabilité globale de l'agriculture. Les différentes pratiques de conservation des sols incluent le travail du sol, qui limite le labourage excessif pour éviter l'érosion, le labour en courbes pour les terrains en pente, le recadrage en bande combinant des cultures à croissance différente, les brise-vents avec des arbres ou buissons pour réduire les vents, la rotation des cultures pour améliorer la structure du sol et les couverts végétaux pour éviter les sols nus et bénéficier d'autres avantages.
Les techniques de conservation de l’eau : on retrouve parmi ces techniques l'irrigation efficiente, la gestion des sols et des cultures pour retenir l'eau, et la promotion de la biodiversité aquatique. Ces approches permettent de minimiser l'impact de l'agriculture sur les ressources en eau et contribuent à une utilisation plus responsable et durable de cette ressource essentielle.
Le biocontrôle : c’est une approche de gestion des ravageurs et des maladies des cultures qui repose sur l'utilisation d'organismes vivants ou de leurs produits pour réguler ces problèmes, tout en minimisant l'usage de pesticides chimiques.
Des études scientifiques en faveur de l’agroécologie
Agroécologie : un consensus scientifique français
56 scientifiques français ont participé à la rédaction d’un article publié en 2023, nommé Agroecological crop protection for sustainable agriculture, illustrant un large consensus scientifique français en faveur de la protection agroécologique des cultures comme moyen de progresser vers une agriculture sans pesticides. Cette approche repose sur la valorisation de la biodiversité et le renforcement de la santé des sols, ainsi que sur des mesures préventives pour contrôler les bioagresseurs plutôt que l'utilisation de pesticides. Les chercheurs affirment que cette pratique permet de maintenir ou d'améliorer la productivité agricole, de produire des aliments sains, de réduire les impacts négatifs sur l'environnement et la santé humaine, tout en contribuant à la viabilité économique des exploitations agricoles.
Les auteurs proposent des pistes pour généraliser la protection agroécologique des cultures, en soulignant l'importance de tenir compte des particularités locales et de bénéficier du soutien des politiques publiques. Ils mettent en avant la nécessité d'une collaboration entre divers acteurs, y compris les agriculteurs, les conseillers, les chercheurs, les écologistes et les responsables politiques, pour mettre en œuvre cette approche. Ils appellent à des politiques publiques plus ambitieuses pour encourager cette transformation vers des pratiques plus durables. En France, des discussions sont en cours dans le cadre de la Loi Orientation et Avenir Agricoles, qui pourrait façonner l'avenir de l'agriculture dans le pays en encourageant des pratiques plus respectueuses de l'environnement et de la santé.
Projet Viability
Au niveau international, le projet Viability, coordonné par le Cirad et l’ICRAF et financé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, vise à évaluer la viabilité socio-économique des pratiques agroécologiques en Afrique.
Les résultats préliminaires de l'étude montrent que les pratiques agroécologiques, telles que le compost, les techniques de conservation de l'eau et des sols, l'agroforesterie et les légumineuses fourragères, génèrent de nombreux bénéfices environnementaux, tels que la limitation de l'érosion et l'amélioration de la fertilité des sols. De plus, ces pratiques contribuent à l'amélioration de la sécurité alimentaire des ménages, à la création d'emplois et de revenus supplémentaires. Cependant, certaines de ces pratiques sont exigeantes en main-d'œuvre, et il existe des obstacles tels que l'accès aux ressources productives et à la connaissance. La Plateforme de partenariat pour la transformation agroécologique (Agroecology TPP) joue dans ce cadre-là un rôle clé dans la promotion de l'agroécologie en Afrique.
Le projet Viability mène actuellement 12 études de cas dans neuf pays africains pour analyser un large éventail de pratiques agricoles et de contextes. L'objectif est de créer une méthodologie commune pour produire des résultats comparables. Les données collectées seront analysées pour fournir des enseignements utiles aux acteurs de l'agroécologie.
Défis et perspectives
Les défis de l'agroécologie sont évidents après cinquante ans de développement. Le passage d'un modèle agricole intensif à des systèmes complexes et adaptatifs a été lent, nécessitant des investissements en infrastructures et en main-d'œuvre. Les coûts associés à cette transition peuvent être difficiles à couvrir pour les agriculteurs. De plus, l'agroécologie implique une réduction des exportations, ce qui nécessite la recherche de nouveaux débouchés comme les marchés locaux et les circuits courts. Le défi majeur est de pouvoir nourrir une population mondiale croissante tout en préservant l'environnement. Cela souligne l'importance de trouver un équilibre entre la production alimentaire et la préservation de l'environnement dans l'agriculture de demain.
L'agroécologie reste perçue comme complexe par les agriculteurs en raison de ses exigences en termes de connaissances naturalistes et agronomiques. Elle peut cependant être appliquée à diverses formes d'agriculture, qu'elle soit conventionnelle ou biologique. Elle fournit également le cadre théorique pour des pratiques telles que l'agroforesterie et l'agriculture de conservation, tout en pouvant être adaptée aux jardins de particuliers grâce à des approches comme la permaculture. Bien que requérant des ajustements, l'agroécologie offre des avantages durables dans divers contextes agricoles.
Dans ce cadre-là, le projet agroécologique en France, initié en 2012 par le ministère de l'Agriculture, vise à promouvoir une agriculture durable et performante en intégrant progressivement l'agroécologie dans les pratiques agricoles, avec le soutien de la Chambre d'agriculture et de collectifs d'agriculteurs. Cette transition vers l'agroécologie se nourrit de l'échange d'expériences, de l'accompagnement collectif, et de diverses actions telles que les essais, les projets de recherche, les formations, et les témoignages.
Des initiatives nationales et locales, telles que les plans "Ambition Bio" et les paiements pour services environnementaux, encouragent cette transition vers des pratiques agroécologiques. Globalement, l'agroécologie redéfinit l'économie agricole en favorisant la durabilité environnementale et la viabilité économique.
L'agroécologie représente une réponse essentielle aux défis actuels de l'agriculture. Elle offre une variété d'avantages, mais sa transition nécessite des ajustements coûteux. Malgré sa complexité, l'agroécologie peut être adaptée à diverses formes d'agriculture, offrant ainsi des solutions durables. Le projet agroécologique en France montre comment cette transition peut être progressivement intégrée avec succès, grâce à la collaboration entre les agriculteurs et les organismes de soutien.